A Moscou, des funérailles au rabais pour Mikhaïl Gorbatchev


Le journaliste Dmitri Mouratov, rédacteur en chef de « Novaïa Gazeta » et prix Nobel de la paix 2021, sort de la Maison des syndicats en tête du cortège funèbre lors de l’enterrement de Mikhaïl Gorbatchev, à Moscou, le 3 septembre 2022.

Des milliers de Russes ont rendu, samedi 3 septembre, un dernier hommage à Mikhaïl Gorbatchev dans la grande salle des colonnes de la Maison des syndicats, située à quelques centaines de mètres des murs du Kremlin. La tradition est partiellement respectée, puisque le protocole ressemblait à celui des précédents enterrements de dirigeants soviétiques. Deux soldats en grande tenue de part et d’autre du cercueil du dernier dirigeant soviétique, décédé le 30 août à l’âge de 91 ans. Trois soldats de la garde du Kremlin, fusil à l’épaule et le mollet haut, formaient une haie d’honneur entre le public et le défunt. Aucun symbole orthodoxe n’était visible, mais un prêtre a récité une courte prière.

Quelques différences de taille révèlent à la fois l’importance historique du dernier président d’URSS, la nature du régime actuel et leur incompatibilité évidente. L’absence très parlante du chef de l’Etat – une première historique – signale un mépris pour l’homme et son héritage politique. Vladimir Poutine a refusé d’organiser des funérailles nationales, n’en retenant que des « éléments », comme l’a indiqué le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

Le télégramme de condoléances adressé par Poutine à la famille du défunt « est d’une sécheresse maximale », note Mikhaïl Chevtchouk sur le site Republic, et ne comporte « aucune épithète touchant Gorbatchev lui-même, rien d’aimable, à l’inverse du télégramme adressé aux proches de Daria Douguina [égérie nationaliste et fille de l’idéologue ultraconservateur Alexandre Douguine, assassinée le 20 août] qui comptait des mots bien plus aimables, c’est frappant. Poutine écrit d’elle qu’elle est une patriote russe avec un vrai cœur russe, tandis que Gorbatchev était juste un homme politique ».

Haï pour sa « faiblesse »

Mikhaïl Gorbatchev est celui qui a défait l’emprise sur le pays du KGB, d’où sont issus Vladimir Poutine et ses plus proches alliés. Pour les faucons du régime comme pour les nationalistes grand-russes, l’ancien secrétaire général est littéralement haï pour sa « faiblesse », qui a eu pour résultat, selon eux, de permettre aux pays du pacte de Varsovie ainsi qu’aux républiques socialistes (dont l’Ukraine) d’échapper à la férule de Moscou.

Suivant la consigne muette donnée par le maître du Kremlin, l’élite politique russe a docilement ignoré la cérémonie. A l’exception notable de l’ancien président russe Dmitri Medvedev (2008-2012), aujourd’hui cantonné au rôle de directeur adjoint du Conseil de sécurité russe. Incliné vers un rapprochement avec l’Occident et une modernisation du pays durant son mandat, il avait, en 2011, décoré Mikhaïl Gorbatchev de l’ordre Andreï Pervozvanniy, la plus haute récompense civile du pays, à l’occasion de ses 80 ans. La présence de M. Medvedev, samedi, n’avait rien d’évident, étant donné que l’ancien président multiplie ces derniers mois les déclarations belliqueuses et hostiles envers l’Ukraine et l’Occident en général, cherchant à faire sa place parmi les faucons du régime.

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via LeMonde

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