
Il a été commerçant aux Etats-Unis, a produit un show télé en Afrique du Sud, puis dirigé une firme d’aviation en Côte d’Ivoire : lundi 8 mars, la cour d’assises de Bruges, en Belgique, a découvert les multiples vies d’un Franco-Ivoirien accusé d’un meurtre commis en 1996 sur la côte belge.
Depuis vendredi, Jean-Claude Lacote, 54 ans, comparaît au côté de la Belge Hilde Van Acker, 57 ans, pour le meurtre de l’homme d’affaires britannique Marcus Mitchell. Cette affaire avait défrayé la chronique en Belgique il y a vingt-cinq ans. Après une cavale de plus de vingt ans, tous les deux encourent la réclusion à perpétuité. Ils nient les faits. Le procès, où une cinquantaine de témoins sont attendus à la barre, devrait durer environ deux semaines.
Le 28 mai 1996, le corps de Marcus Mitchell, 44 ans, est découvert avec deux balles dans la tête dans une zone boisée de la station balnéaire belge du Coq (De Haan, en flamand). Les enquêteurs découvrent rapidement que ce cadre du secteur de l’avionique a été en contact téléphonique régulier, peu avant sa mort, avec les deux suspects. D’après l’accusation, M. Mitchell avait prêté une grosse somme d’argent à M. Lacote en échange de la promesse d’une « affaire lucrative ». La relation se serait envenimée quand le Britannique aurait réalisé avoir été escroqué.
Mais lundi, Jean-Claude Lacote a affirmé qu’au contraire, c’est à lui que Marcus Mitchell devait de l’argent, après un prêt concédé lors d’un achat de matériel militaire à Belgrade. Il a aussi reproché à l’enquête d’avoir négligé la piste d’un certain « Ali » avec lequel la victime était aussi en relation pour ses affaires.
« J’ai refusé d’être ministre »
Ce premier interrogatoire a permis de lever le voile sur les vingt ans pendant lesquels M. Lacote et Mme Van Acker ont échappé à la justice belge. Arrêté le 2 juin 1996 à l’aéroport de Charleroi, le couple a rapidement bénéficié d’une remise en liberté, la même année. Il en profite pour s’enfuir aux Etats-Unis, y crée une société de vente de vêtements, se marie en 1998 à Miami. Ensuite « j’ai eu une ferme à Bariloche [Argentine] pour y accueillir des adeptes de l’écotourisme », assure Jean-Claude Lacote. « Je suis toujours à la recherche de nouveaux challenges, je passe beaucoup d’examens », lâche-t-il en vantant ses mérites en langues, notamment en latin.
La justice belge finit par retrouver sa trace en 2007 en Afrique du Sud, mais sans parvenir à le faire arrêter. Dans ce pays, M. Lacote est devenu une célébrité de la télévision en produisant un « reality show » sur les affaires criminelles, une émission qui lui assure, selon ses dires, de solides relations dans la police au Cap.
Le couple Van Acker-Lacote est finalement arrêté en novembre 2019 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, où il a passé une dizaine d’années avec sa fille, née en 2007. Lacote y est devenu patron d’une firme d’aviation créée avec le soutien financier d’un homme d’affaires libanais. Posséder des avions lui a ouvert des portes dans le monde de l’assistance médicale mais aussi dans celui de la politique ivoirienne. Mais « j’ai refusé d’être ministre, car pour moi l’important était d’élever ma fille dans des principes que je n’ai pas connus moi-même », affirme-t-il.
Né à Abidjan en septembre 1966 d’un père français et d’une mère ivoirienne, Jean-Claude Lacote a été abandonné par ses parents et placé à l’âge de 7 ans chez des prêtres en France, une période qu’il refuse d’aborder devant le jury tant elle l’a « affecté ». L’accusé dit souffrir d’une forme d’autisme, être agoraphobe et ne réussir à vivre qu’en respectant « une routine très stricte » : même alimentation, même couleur de vêtements chaque jour. « Je dors seul même si je suis marié. » Ce que Hilde Van Acker avait accepté car « avant d’être mon épouse, elle a été ma mère », dit-il. En 2014, quand elle lui annonce la rupture, « mon monde s’est effondré », confie encore Jean-Claude Lacote.
via LeMonde