Au Darfour, « les démons à cheval » violent en toute impunité

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Publié aujourd’hui à 04h50

Des charrettes chargées de tabac s’ébranlent sur la piste défoncée qui mène à Khartoum Jadid. Bien loin de la capitale soudanaise, ce labyrinthe de maisonnettes en terre cuite est l’un des trois camps de déplacés qui entourent Tawila, une localité située au Nord-Darfour.

Depuis 2003, plus de 2,7 millions de personnes ont été déplacées par les violences dans cette région grande comme la France, bordée à l’ouest par la frontière tchadienne, et sont venues s’entasser en périphérie des villes dans des campements devenus au fil du temps de véritables quartiers.

Episode 1 Darfour, l’interminable crise

En ce milieu de journée, les ruelles de Khartoum Jadid sont silencieuses. La plupart des habitants sont partis aux champs. Entre les branchages d’une palissade, un portique en fer s’ouvre dans un grincement. Hanaan – le prénom a été changé –, drapée dans une tunique à fleurs, se tient sur le seuil d’une bicoque au toit de paille. Elle a 20 ans et le visage émacié, les yeux cernés. La voilà qui s’allonge sur une paillasse, sa petite fille entre les bras, et commence à raconter, le regard baissé : « Nous étions aux champs, lorsque trois nomades sont arrivés sur des dromadaires. Ils ont brûlé nos fagots de paille puis m’ont attrapée, m’ont frappée avec un long bâton et m’ont violée. J’avais mal dans tout mon corps, en revenant au camp j’ai dû m’arrêter plusieurs fois en chemin. »

Sans un mot, Hanaan traverse péniblement la cour de sable où sèchent des tomates éventrées sous le soleil. Elle revient peu après, un bout de papier en main : le rapport délivré le 31 janvier par le médecin de l’hôpital de Tawila. La jeune femme le lit à voix haute : « Multiples lésions vaginales, ecchymoses, clavicule brisée. »

Une femme collecte des branchages pour construire des clôtures. Par précaution, elle ne s’éloigne pas. A droite, un nomade arabe avec son dromadaire.

Ce jour-là, en la voyant rentrer plus tard que d’habitude, en pleurs et claudicante, son mari, Mohammad, est allé chercher de l’aide chez ses voisins. Ils l’ont soutenue jusqu’au commissariat de Tawila. Encore en état de choc, elle a dû porter plainte, un passage obligé pour être admise à l’hôpital. « Les policiers n’ont pas voulu essayer de rattraper ces criminels, au prétexte qu’ils n’avaient plus d’essence, enrage Mohammad. Moi, je sais qu’ils ont peur d’agir. Nous, les Fours, subissons encore la menace des nomades arabes. Ils sont bien armés et bénéficient de soutien au sein de l’Etat. Tant que nous n’aurons aucune protection, cela se reproduira, et nos femmes vivront dans la peur. »

Unités paramilitaires

A partir de 2003, le président Omar Al-Bachir s’était appuyé sur des milices arabes pour lutter contre les rébellions issues des minorités ethniques du Darfour. Ces « troupes » ont été le bras armé du régime militaro-islamiste dans son opération de répression et de nettoyage ethnique de la région. Au cours de ce conflit, qui a fait plus de 300 000 morts, le viol a été utilisé comme une stratégie de guerre.

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via LeMonde

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