
De prétendues « perquisitions » par les forces de l’ordre ont viré au massacre, et coûté la vie, dimanche 7 mars, à neuf personnes connues pour leur engagement en faveur des droits du travail et leur positionnement à gauche de l’éventail politique philippin. Ces opérations sanglantes ont été menées dans plusieurs provinces de la grande région de Calabarzon, au sud de Manille, en réponse à des informations selon lesquelles les suspects « étaient en possession d’armes à feu », selon le responsable de la police philippine, Debold Sinas. Six autres personnes ont été arrêtées, neuf autres sont en fuite.
Or, les militants, dont plusieurs étaient connus, comme le syndicaliste Emmanuel « Manny » Asuncion, ainsi que des membres de l’alliance d’organisations marxistes Bayan, qui est représentée au Parlement, étaient chez eux ou à leur bureau lorsqu’ils ont été tués et ne font pas partie des deux organisations de l’insurrection communiste armée, le Parti communiste des Philippines et la Nouvelle Armée du peuple, désignés comme terroristes depuis 2017. Selon l’organisation des droits de l’homme philippine Karapatan, « Asuncion a essayé de négocier avec les policiers en leur assurant qu’il coopérerait s’ils pouvaient lui présenter un mandat de perquisition légitime ». Or, les policiers, poursuit l’organisation, n’ont présenté aucun mandat et l’ont emmené dehors. Son épouse a alors entendu des coups de feu. Le syndicaliste a été retrouvé avec six balles dans le corps. La commission philippine des droits de l’homme a annoncé de son côté l’ouverture d’une enquête
Ce « dimanche rouge », comme l’appellent désormais les défenseurs des droits, fait craindre le déclenchement d’une nouvelle « guerre sale » de la part du président populiste Rodrigo Duterte, faite d’exécutions extrajudiciaires, comme la campagne anti-stupéfiants de 2016-2017, qui a fait, selon les ONG, autour de 12 000 morts. « Nous sommes profondément alarmés par le fait que des raids du type de l’opération “Oplan Tokhang” [contre les trafiquants de drogue], au cours desquels des cibles sont tuées par la police au prétexte qu’elles auraient riposté, sont de plus en plus utilisés contre des militants et des défenseurs des droits », s’est indigné lundi le directeur d’Amnesty International aux Philippines, Butch Olano.
« C’est un massacre »
Comme en 2016, lorsqu’il avait appelé à « tuer les trafiquants de drogue », M. Duterte venait, vendredi, de déclarer ouverte la chasse aux communistes : « Je dis à la police, durant une confrontation, si l’ennemi tient une arme, tuez-le. Tuez les directement, ne vous embêtez pas avec les droits de l’homme, ce sont mes ordres. C’est moi qui irai en prison, ne vous inquiétez pas », a fanfaronné le président philippin dans un discours devant la « task force régionale du Nord Mindanao pour mettre fin au conflit armé communiste ».
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via LeMonde