Le cas des universités britanniques illustre parfaitement la relation de plus en plus compliquée entre Londres et Pékin. Gérées comme des entreprises privées, très internationales, elles ont largement ouvert leurs portes aux enfants de la classe moyenne chinoise, fascinés par leur réputation de sérieux (et même souvent d’excellence) et avides de décrocher un diplôme en anglais. En dix ans, le nombre des jeunes Chinois inscrits sur les campus britanniques a été multiplié par deux : ils sont désormais plus de 120 000, presque aussi nombreux que les étudiants européens (environ 140 000), bien plus que les Indiens (près de 26 000), les Américains (20 000) ou les Malaisiens (14 000 étudiants).
Ils constituent une véritable manne, leurs frais de scolarité étant bien supérieurs à ceux des Britanniques (et des Européens avant le Brexit), soit au bas mot 15 000 livres (17 523 euros) par an. Ils représentent ainsi plus de 20 % des revenus des campus de Glasgow, Manchester, Edimbourg, University College de Londres ou Warwick. Cette dépendance financière est apparue problématique avec la pandémie : à la rentrée 2020-2021, si de nombreux jeunes Chinois ont quand même bouclé leurs valises pour venir, ils étaient moins nombreux à l’appel, et certaines universités en ont souffert.
Cette dépendance suscite aussi de plus en plus de nervosité dans les rangs du Parti conservateur, qui s’inquiète des menaces à la sécurité nationale et aux libertés académiques qu’elle pourrait représenter. Plus une semaine ne passe, désormais, sans que le Times ou le Telegraph publient des révélations sur les liaisons dangereuses entre les campus britanniques et la Chine. Parmi les dernières en date, ces informations parues dans le Daily Telegraph du 2 mars, expliquant que des chercheurs, sur les campus de Cambridge, Edimbourg et Manchester, ont « publié des dizaines de publications » en collaboration avec des collègues d’un institut chinois, la China Academy of Engineering Physics (CAEP), pourtant placée sur une liste noire par Washington pour ses liens avec l’arsenal nucléaire de Pékin.
Eviter les débats sur le Xinjiang
Le 8 février, le Times affirmait que « près de 200 universitaires » de nationalité britannique de plus d’une « douzaine d’universités » risquaient de se retrouver devant les tribunaux du pays pour avoir – involontairement – transmis à des Chinois des informations sensibles, liées au développement d’armes de destruction massive. Les services britanniques s’inquiètent de transferts de technologie dans le cadre de projets de recherche financés par des centres universitaires ou des entreprises chinoises ayant des liens avec l’armée. Dans le Times, Radomir Tylecote, expert chez Civitas (un think tank connu pour ses liens avec les tories), explique que les universitaires agissent en « toute bonne foi (…), ils pensent que leur recherche ne peut être qu’utilisée par les branches civiles des universités et des conglomérats chinois ».
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via LeMonde