
Un coup de semonce et une humiliation pour le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Dimanche 21 février, quelque 20 000 doses de vaccin russe Spoutnik V ont passé la frontière égyptienne pour entrer dans la bande de Gaza. Ce don des Emirats arabes unis a été rendu possible par Mohammed Dahlan, rival de M. Abbas exilé à Abou Dhabi.
Alors que l’Autorité palestinienne n’a obtenu d’Israël que quelques milliers de doses et 10 000 autres de la Russie, M. Abbas a pu apprécier les leviers dont dispose son ancien conseiller à la sécurité nationale dans la région. « Cette livraison est une offre généreuse de nos frères aux Emirats », a écrit sur Facebook M. Dahlan, en promettant « à [son] peuple que nous ferons tous les efforts possibles pour en assurer d’autres. »
A l’approche des élections législatives et présidentielle palestiniennes, prévues en mai et en juillet, cette livraison avait valeur de signal. Les Emirats, échaudés par la violente réaction de M. Abbas à la normalisation de leurs relations avec Israël, en cours depuis septembre 2020, sont prêts à aider M. Dahlan à améliorer son image – et la leur – dans les territoires. L’Egypte voisine a aussi apporté son aide.
Le Caire n’avait pourtant pas convié les partisans de M. Dahlan aux dernières négociations entre factions palestiniennes, menées début février sous la haute surveillance de ses services de renseignement. L’homme polarise trop. Son nom suscite de la crainte dans l’entourage de M. Abbas, qui paraît avoir fait de leur discorde une affaire personnelle.
« Un acteur régional »
Le cas Dahlan est à la fois marginal – les sondages du centre PSR ne lui donnent pas plus de 5 % des voix aux législatives s’il lançait ses partisans sur une liste autonome – et symptomatique. L’homme incarne une influence au sein des puissances du Golfe, et a maintenu des liens en Israël. « Après les élections, Dahlan sera réhabilité, veut croire l’analyste Samer Anabtawi. Il est aujourd’hui plus un acteur régional qu’une puissance en Palestine. Il sera utile » à l’Autorité palestinienne si elle choisit de digérer la « trahison » d’Abou Dhabi, pour tirer un minimum de profit à long terme de son rapprochement sans conditions avec Israël.
Quant au Hamas, au pouvoir à Gaza, il se montre de plus en plus accommodant avec M. Dahlan, ancien homme fort de l’enclave, qui emprisonnait en son temps sans pitié des cadres du mouvement islamiste. Il accepte déjà depuis plusieurs années son aide financière à la population de l’enclave, et les mariages groupés qu’il y organise. Cette semaine, certains de ses proches ont été autorisés à revenir à Gaza, en prévision de la campagne.
via LeMonde