Patrick Weber est un vétéran de l’acier. Un de ces ouvriers qui incarnent corps et âme la culture de l’industrie lourde de l’ouest allemand : celle du charbon et du métal en fusion, où le danger est omniprésent, et le syndicalisme, une question de vie ou de mort. En sept ans de crise chez ThyssenKrupp, le conglomérat industriel et métallurgique où il travaille, il a appris à serrer les dents, comme les autres métallos de Duisbourg (Rhénanie-du-Nord-Westphalie). Cependant, il sait qu’avec l’épreuve à venir, ce sera quitte ou double.
Depuis que ThyssenKrupp a annoncé, mercredi 17 février au soir, son intention de repousser l’unique offre de reprise émanant de l’entreprise britannique Liberty Steel, pour redresser lui-même ses aciéries déficitaires, les salariés se préparent à de nouveaux défis. « Avec ou sans Liberty, ce sera dur, » expliquait M. Weber au Monde, dimanche soir.
Bien sûr, son syndicat, IG Metall, est soulagé que le cœur historique de ThyssenKrupp, berceau de l’industrie allemande et de sa culture syndicale, ne soit pas vendu au groupe Liberty. Ces dernières semaines, le syndicat exprimait ses doutes sur la capacité de son patron, le milliardaire indo-britannique Sanjeev Gupta, à endosser une telle reprise, au vu du manque de transparence de sa société. Il continue de plaider en faveur d’une intervention de l’Etat fédéral ou de la région dans l’entreprise. Les salariés, eux, restent inquiets. La direction de ThyssenKrupp n’a pas fait mystère de la difficulté de l’affaire : redresser le groupe nécessitera de réduire de nouveau massivement les coûts.
La décision du groupe allemand n’était attendue que pour la mi-mars. Selon la presse, Sanjeev Gupta a lui-même été surpris de la résolution de ThyssenKrupp. L’homme d’affaires, qui, depuis plusieurs mois, était en pourparlers pour une reprise, avait déposé une nouvelle offre, plus précise, lundi 15 février, et s’était dit prêt à de nouvelles discussions. Mais ThyssenKrupp a tranché. « Nous avons ouvert la porte aux négociations, mais les visions respectives de la valeur de l’entreprise et de la structure de la transaction étaient finalement trop éloignées. Nous avons donc décidé de mettre fin aux discussions », a fait savoir le directeur financier, Klaus Keysberg, dans un communiqué paru le 17 février.
Restructurations à venir
Depuis un an, la patronne de ThyssenKrupp, Martina Merz, avait laissé toutes les options ouvertes sur l’avenir des aciéries de la Ruhr : vendre l’activité, la mettre en Bourse ou la redresser elle-même. Forte du succès de la vente de la division ascenseurs en février 2020, pour 17,2 milliards d’euros, elle a un moment espéré que Liberty pourrait être le repreneur idéal des hauts-fourneaux et laminoirs. Le patron de Liberty promettait partout dans la presse son intention d’investir afin de décarboner la production, très émettrice de dioxyde de carbone, tout en préservant l’emploi. Il voyait dans les aciéries allemandes un complément idéal aux activités de son groupe.
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via LeMonde