Le chef de l’Etat a finalement pris la parole hier pour se prononcer sur les manifestations violentes à travers le pays. Un discours à la Nation qui a pris les tons de la paix et du calme.
«Laissons la justice faire son travail en toute indépendance»
Le chef de l’Etat ne nomme pas Ousmane Sonko dans son discours, mais sur cette question qui est à l’origine de ces manifestations, il dit : «Sur l’aspect judiciaire de cette crise, laissons la justice suivre son cours en toute indépendance. En ce qui me concerne, j’userai de tous les pouvoirs que me confère ma charge pour consolider le retour au calme et à la sérénité, dans l’intérêt supérieur de la Nation, la sécurité des personnes et des biens, la défense de la République et la préservation de nos institutions démocratiques.» Pour une crise aussi grave que celle-là qui a mis le pays sens dessus dessous, Macky Sall devait, pour être entendu, toucher tous ces jeunes notamment, qui ont fini par faire de l’affaire Sonko-Adji Sarr la leur.
20h, c’est le prime time, sur un ton solennel, pour tenter, en 13 minutes, de recoller les morceaux cassés pendant 5 jours. L’hymne national qui a lancé le discours et le drapeau bien zoomé participent de ce rappel à un nous (ré)unificateur. «Nous sommes une seule famille, unie par une histoire qui nous assigne un destin commun», a-t-il dit. L’élocution plus lente que d’habitude, le ton plus bas que d’habitude, suggèrent une désolation pour ces morts et ces dégâts matériels énormes. Quelques minutes avant lui, le leader de Pastef exigeait des indemnisations des familles des victimes de ces violences. Le président de la République assure justement que l’Etat viendra en aide aux familles endeuillées et aux blessés de violences. Dans son «nous» d’une cohésion perdue, mais qu’il souhaite rétablir, il exhorte à «régler nos divergences autrement que par la violence destructrice». C’est dans ce sens qu’il souligne le «vivre-ensemble, la paix, la sérénité, la liberté, la démocratie, la diversité, le calme» qui doivent primer sur «nos rancœurs». Le Président Sall a remercié les émissaires des khalifes, le clergé, les coutumiers, l’opposition, la société civile, le patronat, les syndicats pour leurs «sages conseils et recommandations» dans des «moments de doute». Au nom de la journée du 8 mars, il invite les forces vives de la Nation à l’apaisement pour «honorer la femme sénégalaise».
«Jeunes, je comprends vos inquiétudes et préoccupations»
A ces régulateurs sociaux, Macky Sall dit : «J’ai écouté et entendu leur message.» Il dit avoir compris la colère qu’il explique par «l’impact de la crise économique» engendrée par la crise sanitaire, la pauvreté, l’angoisse. S’il rappelle avoir «beaucoup fait» dans la formation, l’emploi et le financement des jeunes, le Président admet que ces efforts restent «insuffisants». Il ajoute : «Aux jeunes, je comprends vos inquiétudes et préoccupations.» Parmi les raisons de ces manifestations qui ont fait tache d’huile, il retient la quête d’un «avenir meilleur», mais aussi les «restrictions sociales» et d’autres «privations» comme les espaces de loisirs et de détente. C’est pourquoi, «à la faveur de la campagne de vaccination en cours et de l’amélioration de la situation Covid-19», il annonce l’allègement du couvre-feu à Dakar et Thiès qui passe désormais de minuit à 5h du matin. Et dans le même esprit d’apporter des réponses à la situation des jeunes, il a décidé d’une «réorientation des allocations budgétaires» pour davantage renforcer la formation et l’emploi.
«Nous sommes dans une barque que nous descendrons pour laisser la place à d’autres»
C’est aussi un «Père de la Nation» écœuré par la destruction des édifices publics, des symboles de l’Etat, des institutions, des commerces, entre autres. Il ne répète pas les mots de son ministre de l’Intérieur, mais il souligne que «des enfants et des femmes ont été mis, de façon organisée, en première ligne dans les scènes de casses et de pillages». C’est en cela qu’il a loué le comportement des forces de défense et de sécurité qui ont fait «preuve de professionnalisme, de discernement, de retenue ; autrement, le bilan aurait été plus lourd». Beaucoup pensent que cette mauvaise surprise est aussi un signal envoyé pour que Macky Sall ne songe même pas à un troisième mandat qui fait débat depuis sa réélection. Il a semblé y répondre : «Voyageurs dans le temps, nous sommes dans une barque dont nous descendrons pour laisser la place à d’autres.»
via LeQuotidien